Cassandra Patinet est psychologue clinicienne et enseignante-chercheuse à l’université Sorbonne Paris Nord (laboratoire UTRPP /EA 4403). Le 12 décembre 2024, elle soutiendra sa thèse en psychologie clinique intitulée « Les patients adolescents et jeunes adultes (AJA), leurs parents, les soignants : travail de soin et processus adolescent. Étude qualitative menée auprès de l’équipe soignante d’une unité d’oncohématologie dédiée », rédigée sous la direction de Karl-Léo Schwering et co-encadrée par Elise Ricadat.
Jury
- Karl-Leo Schwering, Professeur des Universités, Université Sorbonne Paris Nord, Directeur de thèse.
- Elise Ricadat, Maîtresse de Conférences, Université de Paris, Co-encadrante de la thèse.
- Aurélie Maurin Souvignet, Professeure des Universités, Université Lumière Lyon 2, Rapporteure.
- Alexandra Laurent, Professeure des Universités, Université de Bourgogne, Rapporteure.
- Nicolas Boissel, Professeur des Universités – Praticien hospitalier, Université de Paris, Président.
- Céline Lefève, Professeure des Universités, Université de Paris, Examinatrice.
Résumé
« Cette recherche a été menée en collaboration avec l’équipe soignante de l’unité d’oncohématologie de l’hôpital Saint-Louis (Paris). Elle a pris forme dans le cadre d’une collaboration interdisciplinaire entre médecins et psychologues chercheurs d’orientation psychanalytique. Elle s’inscrit dans un programme de recherche plus global visant à étudier l’ajustement psychosocial des adolescents et jeunes adultes (AJA) atteints d’un cancer et les spécificités de leur prise en charge, au sein de cette unité dédiée. Notre recherche vise à éclairer les enjeux de la prise en charge des AJA, relativement à la façon dont s’organise le cadre relationnel de soin avec le patient AJA et ses parents. Elle vise ainsi à mieux comprendre comment les soignants travaillent concrètement entre cette double demande de soutenir l’autonomisation des patients AJA dans les soins, tout en impliquant les parents dans la prise en charge. Cette recherche repose sur une démarche de recherche qualitative et inductive en appui sur la méthode de la “Théorisation ancrée”. Elle est également sous-tendue par une démarche de recherche collaborative, qui nous a engagée dans un processus de co-construction de la recherche avec les soignants. Notre recherche s’est déployée selon deux phases. Une première phase exploratoire de recherche comprend le recueil et l’analyse de données issues d’entretiens individuels de recherche (n=10), que nous avons triangulés aux notes d’observation recueillies lors de notre participation hebdomadaire au staff psychosocial (janvier 2019-janvier 2021). Une seconde phase de consolidation de la recherche s’est appuyée sur la mise en place de restitutions collectives des premiers résultats de la recherche (octobre 2020), lesquelles ont donné lieu à la mise en place de focus groupes thématiques avec les soignants (mars 2021). Les résultats font ainsi apparaître que les soignants travaillent dans un cadre relationnel de soin élargi à dyade parents-adolescents. Soutenir l’autonomisation du patient AJA dans les soins implique pour les soignants de traiter avec la façon dont cette question se pose et se conflictualise au cœur du dialogue de soin propre à chaque dyade parents-adolescent, en tant que celui-ci se trouve singulièrement affecté par les remaniements de l’adolescence d’une part, et par le cancer, d’autre part. La particularité du travail de soin avec les AJA, reposerait ainsi sur le fait que prendre soin du patient AJA implique non seulement d’élargir le cadre relationnel de soin, mais plus essentiellement encore, d’élargir le geste de soin lui-même à la dyade parents- adolescents. En ce sens, prendre soin de la dyade parents-adolescents implique un travail de coopération de ces deux environnements de soin : parental et médical. »
Le jeu au coeur de la thèse
La chercheuse a notamment scruté la façon dont les soignants jouent avec le cadre de soin dans sa recherche ; ce jeu sur les frontières et le positionnement des personnes explore une nouvelle approche du ludique dans un cadre de soin. Cassandra Patinet précise : « Au cours de mon travail, j’ai été amenée à proposer l’idée selon laquelle la capacité des soignants à jouer avec les contours du cadre de soin, soutiendrait un processus de subversion du cadre strictement médical de soin et du registre de communication informationnel qui le sous-tend. Ce processus de subversion du cadre formel de soin médical rendrait possible le déploiement d’une communication non plus structurée sur le seul mode informatif de la question (du patient) / réponse (du soignant) à un besoin, mais en tant qu’elle est adressée par un sujet à un autre sujet. En ce sens, la communication ne porte plus seulement sur ce qui est adressé (contenu) mais sur la manière dont ce contenu est adressé (contenant), et l’intentionnalité (du sujet) qui la sous-tend. J’ai ainsi soutenu la thèse selon laquelle la capacité des soignants à jouer avec – tout en s’appuyant sur – le cadre de soin, permet l’introduction, sur la scène du soin, d’un autre registre de communication – interprétatif – à côté du registre proprement informatif qui régit habituellement le cadre médical du soin.
Dans cette perspective, j’ai proposé que l’utilisation créative par les soignants du cadre prescrit de soin – sous-tendu par leur capacité individuelle et collective à jouer avec les contours du cadre de soin (flouter les contours du cadre de soin, s’appuyer sur les règles prescrites) – viserait à soutenir et à préserver la capacité normative de l’adolescent, en tant qu’il maintient le sujet AJA en position d’interprète d’un message et non pas en simple récepteur passif d’une information médicale. J’ai ainsi soutenu l’idée que le travail de subversion du cadre informationnel du soin par les soignants vise à préserver le patient AJA d’une assignation à un savoir médical susceptible de bloquer le travail d’interprétation nécessaire à la poursuite du développement psychoaffectif du sujet adolescent ou jeune adulte. »
Informations pratiques :
Ce travail de recherche sera présenté publiquement le jeudi 12 décembre 2024 à 14h, au Campus Condorcet, bâtiment de recherche Sud, 3e étage, Salle 3.023.
Crédit image :
Photo de National Cancer Institute sur Unsplash