Le numéro 23 de la revue Appareil est consacré à la poïétique du jeu vidéo. Il a été édité sous la direction de Pascal Krajewski, docteur en Sciences de l'Art et professionnel des technologies de l'information. Présentation et enjeux traités par ce numéro :
« Pour une grande part, l'imaginaire du xxi siècle sera forgé dans les studios de jeux vidéo. Un grand nombre de ressources créatives du xxi siècle leur sera dédié. Le présent numéro d'Appareil parie sur l'émergence de véritables artistes vidéoludiques et propose une analyse de leurs attributs et de leurs processus de création.
Objet culturel indéniable, le jeu vidéo n'est pas une discipline artistique pleinement reconnue car il présente quelques « défauts » que d'aucuns trouveront dirimants : il est nommément ludique, il est technologique et il est industriel. S'il est jeu, il ne saurait atteindre la profondeur et la transcendance requise par l'art (en tout état de cause, il est autre chose) ; s'il est technologique, la machine de computation vient faire main basse sur une partie du travail de création et abolir tout rapport charnel de l'artiste à son œuvre ; s'il est industriel, la vision singulière et l'intention propre d'un artiste ne sauraient survivre ni s'imposer : autant d'éléments qui doivent servir de repoussoirs à toute possibilité d'art authentique qui voudrait s'y enraciner. Mais la réalité est moins abrupte et les offres foisonnantes en la matière permettent à tout le moins d'envisager l'hypothèse inverse. Dès lors, si le jeu vidéo est un art, comment pourrait-on rendre compte de ses spécificités créatrices ?
Les deux premiers articles doivent permettre d'étayer l'hypothèse sur les plans théorique et pratique : d'une part, en dressant un portrait du game designer au travail, en étudiant ses forces et ses problématiques propres ; d'autre part, en proposant une liste précise et assumée de noms d'auteur qui firent du jeu vidéo un art de plus en plus éminent.
Bien sûr, la nature du jeu vidéo n'est pas anodine et il s'agira moins de la nier que de l'analyser finement. Sans espérer pouvoir en faire le tour, ici, un certain nombre de lieux clés ont pu être identifiés et sillonnés.
En tant qu'objet numérique, il se conçoit au moyen d'outils technologiques nombreux, aidant mais aussi formatant les types de pensée et d'écriture offerts au créateur de jeu vidéo : on pourra ainsi s'interroger sur le rôle et le poids des logiciels proposés par l'industrie sur le travail créatif et le résultat opéral.
En tant qu'appareil interactif, il réinvente le rôle du spectateur en spect-acteur plongé au cœur du processus de création et du déploiement de l'œuvre. Cet aspect donne ici lieu à deux études complémentaires : l'examen de la notion d'improvisation, qui semble gouverner le travail du créateur de jeux amateur autant que l'habileté technique du joueur, et l'analyse esthétique d'un jeu qui brouille les frontières entre auteur, narrateur et joueur pour réinterroger la place de ce dernier dans le déroulement de l'œuvre et le vécu du personnage, The Stanley Parable.
En tant qu'élément majeur de notre culture, tant en termes de poids économique que comme maillon dans nombre de logiques transmédiatiques le jeu vidéo peut être interrogé en regard d'autres pratiques culturelles qui le nourrissent ou qui s'en inspirent. On pourra par exemple s'intéresser aux passerelles existant entre le théâtre et le jeu vidéo et notamment aux liens possibles entre le game designer et le metteur en scène. On pourra également observer des analogies insoupçonnées entre les jeux et la poésie asiatique ou encore une certaine approche du jeu vidéo et de l'art game.
Tout cela plaide pour la reconnaissance du statut d'art au jeu vidéo. Pour s'en convaincre, l'article terminal propose de dresser un portrait du jeu vidéo en œuvre d'art, en le passant au crible d'une analyse esthétique reconnue et en jaugeant ses qualités opérales propres.»
Sommaire
Pascal Krajewski - L'artiste pantocrator : le créateur de jeu vidéo au travail
Espen Aarseth - Le jeu et son nom : qu'est-ce qu'un auteur de jeu vidéo ?
Hélène Sellier - Formes programmées de l'écriture vidéoludique
Julie Delbouille et Pierre-Yves Hurel - Des relations entre jouer et créer des jeux vidéo
La piste de l'improvisation au prisme d'une approche pragmatique
Douglas Hoare - The Stanley Parable : le joueur contre le narrateur
Olivia Levet - Théâtre immersif et jeu vidéo
Éléments d'analyse sociocritique du processus de création participative
Guofan Xiong et Chu-Yin Chen - Ouvrir l'espace poétique potentiel des jeux vidéo
Pascal Krajewski - Le jeu vidéo au défi de l'œuvre d'art
A propos d'Appareil
« On considérera comme un appareil toute technique qui développe un jeu autonome sur la perception et la sensibilité et, affectant une singularité, la transforme. » Appareil, revue en libre accès numérique, veut offrir un espace au développement d'une théorie et d'une analyse des appareils, qui se veulent fertiles pour penser le contemporain. Elle recueille pour cela des contributions venant de champs divers : philosophie, théories des arts, histoire, sciences humaines, sciences politiques...
Appareil publie deux numéros thématiques par an, et se dote également de rubriques à publication continue : articles, billets, notes de lecture, etc., adressés à la revue y sont publiés après avis du comité éditorial.
Présentation de la revue Appareil par son comité de rédaction :