Etude

ENIGM, l’étude sur l’impact des gains marquants

Marie-Line Tovar est démographe et responsable du pôle d’innovation et d’expérimentation sur le jeu excessif (PIEJE) de la SEDAP. Jean-Michel Costes est socio-épidémiologiste des addictions ; il encadre les études du PIEJE sur le plan scientifique.

Le 27 avril 2021, ils ont dévoilé les résultats d’une étude nationale collective, intitulée ENIGM et menée par la SEDAP, sur les impacts des gains marquants chez les joueurs d’argent et de pur hasard. Dans l’interview ci-dessus, ils nous la présentent.

Extraits de l'interview

«Ludocorpus : Pouvez-vous rappeler ce qu’englobent les jeux de hasard et d’argent et ce qu’est un gain marquant ?

Marie-Line Tovar : Ce projet a été centré sur des joueurs dont les jeux d’argent de prédilection sont de « pur hasard », c’est-à-dire des jeux basés exclusivement sur le « hasard » (grattage, tirage, machines à sous…) par contraste à des jeux qui incluent une part d’habilité ou d’expertise.

Les éléments de la revue de littérature réalisée en amont de cette étude nous ont convaincus de laisser les joueurs définir eux-mêmes, la notion de gain marquant, c’est-à-dire un ou des gains qui ont marqué leur parcours. Cette notion complètement subjective, va de la valeur financière, en passant par l’utilisation qu’ils en font ou le moment de sa réalisation…

L : Comment avez-vous procédé pour cette enquête ?

MLT : L’hypothèse de départ était que le gain marquant est un des facteurs prédictifs du jeu excessif.

La question centrale était donc de faire un état des lieux des contextes, des réactions, des impacts cognitifs et émotionnels, des comportements suite à un gain marquant et des différences de comportements selon les types de joueurs.

Pour cela, nous avons réalisé une revue de la littérature sur les gains, puis nous avons mené une étude qualitative auprès de 30 joueurs modérés à excessifs, dans un double objectif : enrichir le questionnaire quantitatif qui devait suivre et traiter des axes spécifiques plus aisés dans des entretiens semi-directifs.

L : Dans les résultats qu’est-ce qui a particulièrement retenu votre attention ? Quelles recommandations et/ou pistes de recherche complémentaires en découlent ?

Jean-Michel Costes : Tout d’abord l’enquête nous délivre quelques données clefs :

  • Un tiers des joueurs de pur hasard a déclaré avoir obtenu un gain marquant.
  • Le montant médian déclaré est moins élevé qu’attendu, environ 350 euros.
  • Un tiers des « gagnants » rejouent tout ou partie de leurs gains.

Ensuite, elle constate qu’une majorité des joueurs ayant eu un gain marquant, ressentent des émotions positives telles que « la sensation de joie et de bonheur », l’expérience d’un « moment agréable », l’« euphorie, excitation » ou un « soulagement, l’espoir qui renaît, l’optimisme qui revient ».

Mais elle nous montre également, et c’est sans doute le résultat le plus important, que le gain marquant est fortement associé au jeu problématique. Les joueurs ayant obtenu un gain marquant ont quatre fois plus de risque d’être joueur excessif que ceux qui ne l’ont pas expérimenté.

L’analyse combinée des différents facteurs associés au jeu problématique confirme cette donnée et précise les éléments internes au gain marquant qui contribuent à cette association :

L’utilisation faite du gain : rejouer, rejouer tout de suite

Le contexte du gain : problématique d’endettement, liens entre pertes et gains, difficultés de couple, une situation financière instable, des problèmes de logement… Une certaine héritabilité/transmission de l’entourage : gain marquant et/ou problème de jeu dans son entourage

Un résultat nous a surpris en contredisant un a priori que nous pouvions avoir : le montant du gain n’est pas un facteur de risque de la survenue d’un jeu problématique

Enfin, l’étude explore quelques explications possibles à la question du pourquoi le gain marquant peut-il devenir un problème. Tout d’abord par le mécanisme de renforcement du comportement lié à la possibilité de rejouer qu’offre le gain qui pourrait contribuer à la perte de contrôle. Ensuite, on constate que toutes les croyances erronées (la place de la chance, le rôle des stratégies, les superstitions, et le rôle des compétences acquises) ont augmenté suite aux gains marquants.

Ces résultats nous conduisent à faire certaines recommandations, notamment :

  • D’utiliser ces résultats pour la formation des détaillants, et l’élaboration d’actions de prévention dans une perspective de réduction des risques et des dommages ;
  • De promouvoir une éducation préventive à l’utilisation des gains ;
  • De réviser les campagnes publicitaires afin de réduire les effets de la survalorisation du gain (superpuissance, illusion de contrôle…).

L : Il me semble que cette étude a mobilisé bon nombre de ressources et d’institutions ; comment s’est organisé ce travail collectif ?

MLT : Dans le cadre de ce projet mené avec le soutien du programme jeu responsable de la FDJ, l’équipe constituée par Jean Michel Costes, Emmanuel Benoit et moi s’est appuyée sur un comité de co-pilotage d’universitaires français et polonais (Lucia Romo, Baptiste Lignier et Bernadeta Lelonek, Maryse Gaimard), et sur des spécialistes de terrain (Armelle Achour, Raymond Bovero, Valerie Leberre…). En complément, l’université de Lublin en Pologne a mené en 2020 une étude quantitative basée sur le questionnaire ENIGM et des comparaisons France-Pologne sont en cours.»

Liens et ressources

RESULTATS ETUDE NATIONALE SUR LES IMPACTS DU GAIN MARQUANT (ENIGM) - actualités - SEDAP - PIEJE
LES IMPACTS DES GAINS MARQUANTS CHEZ LES JOUEURS D’ARGENT ET DE PUR HASARDLe gain marquant&n

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