interview

Mikaël Le Bourhis et Léa Martinez nous parlent du programme Game In Lab

Mikaël (Micha) Le Bourhis, head of Asmodee Research, et Léa Martinez, chargée de recherche et doctorante, ont répondu à notre invitation pour parler de Game in Lab, le programme de soutien à la recherche sur le jeu de société co-fondé par Asmodee Research et Innovation Factory. Ils sont venus sur Ludocorpus évoquer l'origine et les objectifs du programme de recherche, revenir sur les temps forts de la saison précédente et annoncer les projets à venir.

Ludocorpus : Bonjour Mikaël Le Bourhis, bonjour Léa Martinez ; pouvez-vous vous présenter ?

Mikaël Le Bourhis : j’ai fait un parcours universitaire en neurosciences qui s’est terminé par un doctorat en neurophysiologie. Puis, par volonté et passion, j’ai décidé de changer de domaine pour le monde du jeu. En 2016, je suis devenu chef de projet chez Asmodee, puis une chose en entrainant une autre, entre volonté et opportunité, je suis devenue Head of Asmdoee Research depuis 2018, département que j’ai créé et dédié à la promotion des valeurs sociétales du jeu.

Léa Martinez : J’ai fait un master de recherche en psychologie et neurosciences. Suite à l’appel à projet Game in Lab auquel nous avons répondu avec mes directeurs de thèse, je suis aujourd’hui doctorante en psychologie au CeRCA (Centre de Recherches sur la Cognition et l’Apprentissage), à Poitiers, depuis fin 2020. Mon projet de thèse, qui porte sur les jeux de société et la cognition, est soutenu par Asmodee, grâce au programme de soutien à la recherche Game in Lab. Je fais donc aussi partie de l’équipe Asmodee Research dans laquelle je suis chargée de recherche.

L: Quelle a été l’origine du programme Game In Lab ? Quelles sont ses missions, ses principaux axes d’action (AAP, événements, etc.)

MLB : La volonté de soutenir le développement de la science autour du jeu de société : 1. soutien financier de projets internationaux (AAP annuel (5 projets soutenus par an), AAP pour des thèses CIFRE (1 par an)). 2. Création d’espace d’échange entre le monde académique, les professionnels du l’industrie du jeu et les passionnées (une dizaine d’évènements physiques ou online, locaux ou internationaux sur une année).

LM : Aujourd’hui, on trouve beaucoup de données scientifiques sur les jeux vidéo mais très peu sur les jeux de société, même si l’intérêt est grandissant dans toutes les disciplines pour ce type de jeu. Un des objectifs de Game in Lab est d’aider à développer la recherche sur le jeu de société, à obtenir plus de données scientifiques dans le domaine des game studies et finalement à légitimiser ce produit culturel qu’est le jeu de société.

L : Justement, à propos des appels à projets, quelle a été la “cuvée” 2021 et quand se déroulera le prochain AAP ?

LM : Comme en 2020, 5 projets internationaux ont été retenus en 2021 : 1 projet belge sur l’utilisation des jeux de société dans l’animation et la formation socioculturelles, 1 projet américain sur l’apprentissage des sciences grâce aux jeux de société, 1 projet anglais sur l’utilisation des jeux de société pour la prise de conscience des enjeux climatiques chez les jeunes, 1 projet brésilien sur les jeux de société narratifs et la communication chez les jeunes adultes et 1 projet australien sur la perception des outils digitaux dans les jeux de société hybrides (faisant suite au projet de 2019 et la classification des outils digitaux utilisés dans les jeux de société hybrides).

MLB : Pour 2022, nous aurons le même procédé : un AAP sur notre site avec un horizon très large, un ou deux thèmes seront probablement suggérés. Les dossiers reçus seront évalués par notre comité scientifique et la même enveloppe de 55K€, dont 10k€ apportés par notre partenariat avec la Fondation Libellud. Le petit changement se fera au niveau du timing : nous décalerons l’ouverture de l’AAP au printemps pour une sélection vers septembre.

L : Quels ont été les autres temps forts de la saison 2020-2021 ?

MLB : La saison 2020-2021 nous a poussé à nous adapter et à proposer des événements au format digital. Cela a finalement facilité l’ouverture de nos communications à l’international. En janvier 2021, le 2nd Game in Lab symposium a permis à tous les chercheurs soutenus par le programme de présenter leur projet voire les résultats de leurs études. A suivi notre premier cycle de conférence dédié au jeu de rôle et à ses multiples utilisations en recherche, pédagogie, thérapie, pour l’inclusion… Ce cycle a donné lieu à 7 conférences internationales (FR, UK, IT, CAN, US, JP, BR) et à la première édition de Generation Analog, un événement en collaboration avec Analog Game Studies et la GenCon. Cela nous a permis de renforcer les interactions avec les communautés académiques et professionnelles à travers le monde. Nous avons capté autant que possible ces échanges passionnants à retrouver sur notre site et sur YouTube.

LM : Nous avons évoqué notre planning évènementiel et notre AAP international. Nous avons également notre AAP pour des projets de thèse CIFRE. Cet aspect fait partie des fondamentaux du projet Game in Lab.

L : Léa, vous effectuez une thèse CIFRE ; pouvez-vous nous en rappeler le principe ; quel est votre sujet ?

LM : Une thèse CIFRE est une thèse réalisée dans un laboratoire de recherche, soutenue et financée par une entreprise, avec l’aide de l’Etat. Les doctorants CIFRE sont donc salariés de l’entreprise qui les soutient et ils partagent leur temps de travail entre le laboratoire et l’entreprise. Une thèse CIFRE dure 3 ans, la mienne a débuté fin 2020 et je commence donc ma deuxième année. Mon projet de thèse porte sur l’impact de la pratique des jeux de société sur le développement des fonctions cognitives. Notre objectif est de comprendre l’effet des jeux de société sur les fonctions exécutives (c’est-à-dire des fonctions mentales qui permettent de s’adapter au quotidien et qui sont nécessaires aux apprentissages) chez les adolescents et les adultes. Nous portons donc un intérêt particulier aux potentiels effets des différentes mécaniques de jeu, de la digitalisation des jeux de société mais aussi aux apprentissages scolaires qui peuvent en découler. En parallèle, je travaille aussi sur différentes missions au sein de l’équipe Asmodee Research.

Mikaël, d’autres thèses CIFRE sont-elles prévues ?

MLB : L’idée est de financer une thèse CIFRE par an et d’avoir en parallèle un étudiant en 1er année, un en 2ème et un en 3ème. Ainsi, chaque doctorant bénéficie de l’expérience de ces camarades, pour faciliter la mise en route des projets de recherche et des missions d’entreprise, la compréhension des différents enjeux et des réseaux professionnels impliqués. Nous en sommes encore au début : Léa commence sa seconde année et nous allons accueillir Michaël Freudenthal qui commencera sa thèse dans les semaines à venir. Il travaillera sur les apprentissages informels liés à la pratique ludique, notamment sur les jeux à composantes narratives et fictionnelles. Il sera rattaché au laboratoire Experice de l’université Sorbonne Paris Nord sous la direction de Gilles Brougère et Vincent Berry.

L : Nous avons parlé des moments clés de l’année 2021 ; souhaitez-vous donner un aperçu du programme pour cet automne et 2022 ?

MLB : L’agenda 2022 s’annonce tout aussi riche. L’AAP CIFRE s’ouvrira en janvier, pour une sélection au printemps et un début de thèse à l’automne. L’AAP international sera un peu décalé, l’ouverture se ferait au printemps pour une sélection après l’été.

LM : Au niveau médiation, nous espérons reprendre les évènements en présentiel, notamment au Festival International des Jeux à Cannes, fin février. Puis notre second cycle de conférence s’étalera de mars à octobre : les mêmes partenaires seront impliqués, avec un nouveau thème sur lequel nous travaillons actuellement. Enfin notre 3e symposium viendra conclure l’année 2022.


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