Maylis Fontaine, doctorante en psychologie sociale à l’Université Toulouse 2 — Laboratoire CLLE (Cognition, Langues, Langage, Ergonomie) a publié début juin un article co-rédigé avec Valérie Le Floch et Céline Lemercier (respectivement professeure de psychologie sociale et professeure de psychologie cognitive - laboratoire CLLE) dans la revue Ageing & Society, Cambridge University Press. Elle répond à nos questions à quelques jours de sa soutenance de thèse, le 9 juillet 2021.
Ludocorpus : « Bonjour Maylis, quels sont les travaux à l’origine de votre publication ?
Maylis Fontaine : Le contenu de l'article Gambling and ageing: less illusion but more risk est issu d'une des études préliminaires de ma thèse, que j’avais d’ailleurs présentée à l’Université de Fribourg en 2018 lors du 4e symposium international «Jeu excessif : science, indépendance transparence». Sur le fond, cette étude vise à décrire les comportements de jeu non-pathologiques des aînés (55 ans et +) et à montrer l’effet de l’âge sur la prise de risque, jamais encore investigué dans les JHA.
L: Comment avez-vous procédé ?
M. F : Une application de jeu en ligne était proposée, impliquant différents paris dans le but de gagner un maximum de points. La séquence de jeu (d'abord des gains, puis des pertes vs d'abord des pertes, puis des gains), susceptible d’influencer l’illusion de contrôle et la prise de risque, y était manipulée. Au regard des travaux sur la prise de risque (Mather et al., 2012 ; Tymula et al., 2013), nous nous attendions à un effet de la séquence de résultats différencié en fonction de l’âge.
L : Quels ont été les résultats obtenus ?
M. F: Il s’avère que la séquence de résultats a un effet sur la prise de risque de tous les participants, indépendamment de leur âge. Ainsi, connaître des gains après avoir subi des pertes conduit le joueur à prendre plus de risques que si les gains étaient apparus avant les pertes. Concernant plus particulièrement notre population d’intérêt, les résultats montrent que les aînés prennent quoiqu’il en soit toujours plus de risques que les jeunes. Dans cette étude, alors même que l’illusion de contrôle diminue avec l’âge, la prise de risque au contraire augmente. Ces résultats questionnent la corrélation positive établie par Martinez et al. (2005) entre accentuation de l’illusion de contrôle et augmentation de la prise de risque, tout au moins en ce qui concerne les aînés. On ne peut ainsi nier les particularités des joueurs âgés : les aînés représentent bien une population spécifique dans la problématique des JHA, non seulement au niveau des conséquences (plus délétères) d’un éventuel jeu pathologique (Ariyabuddhiphongs, 2012 ; Grant Stitt et al., 2003 ; Pittet et al., 2014) mais aussi au niveau des cognitions sous-jacentes aux comportements de jeu.
L: Comment ces résultats préliminaires ont-ils orienté par la suite votre travail de thèse ?
Les questions soulevées par les résultats de cette étude sont à l'origine de tout mon travail de thèse : redéfinition et opérationnalisation de l'illusion de contrôle, réplication de cette première étude avec la nouvelle échelle de mesure de l'illusion de contrôle. Dans la septième et dernière étude de ma thèse, on retrouve la diminution de l'illusion de contrôle avec l'avancée en âge, mais seulement sur une des huit dimensions mesurées à l'aide de l'EEMDIC(1).»
Retrouvez les deux articles cités :
https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1162908821000050
(1) Maylis Fontaine a publié récemment un deuxième article sur ce sujet dans la Revue Européenne de Psychologie Appliquée, intitulé «Validation d'une échelle d'évaluation multi-dimensionnelle de l'illusion de contrôle dans les jeux de hasard et d'argent - EEMDIC»