Nous vous présentons aujourd’hui l’un des jeux les plus anciens de l’humanité, dont les premières traces archéologiques remontent au Ve ou au début du IVe millénaire avant Jésus-Christ.
À l’origine, l’osselet était un petit os — l’astragale — du pied du mouton mais on utilisait aussi celui du porc, du daim ou du chevreuil. Très tôt, les hommes l’ont reproduit dans des matériaux divers tels l’ivoire ou le métal avant d’utiliser, de nos jours, le plastique. Ainsi, en 1972, les archéologues ont-ils retrouvé dans la nécropole de Varna en Bulgarie, près de la Mer Noire, des astragales en os poli et en or, qui dateraient de 4600-4200 ans avant Jésus-Christ. On jouait également aux osselets en Anatolie et en Mésopotamie au IIIe millénaire avant Jésus-Christ, comme en Égypte à partir de la XIXe dynastie (IIe millénaire avant Jésus Christ). En Grèce, la quantité d’osselets exhumés des fouilles est impressionnante : on en a dénombré jusqu’à 25 000 sur un site des VIe-IIIe siècles avant Jésus-Christ, une grotte creusée au flanc du mont Parnasse, non loin de Delphes, et qui était dédiée au dieu Pan et et aux nymphes. Peut-être y étaient-ils déposés en offrande par les jeunes gens et les jeunes filles qui se préparaient au mariage ? En France, on emploie le terme osselets depuis la fin du XVIe siècle ; auparavant, on les appelait des martres ou martes, qui dérivent du mot marteau désignant de petites pierres rondes à même de remplacer les osselets.
Instrument d’un jeu d’adresse, les osselets — qu’il faut recevoir sur le dos de la main après les avoir jetés en l’air —, ont probablement servi à interroger le sort. Ils faisaient l’objet de paris dont certains dépassaient le cadre ludique. On sait qu’ils ont été utilisés pour consulter les divinités dans la Grèce et l’Italie antiques comme en attestent les valeurs attribuées aux différents côtés. Les Grecs anciens jouaient avec 4 osselets, qui pouvaient ainsi donner 35 combinaisons différentes. Chacune portait un nom, certaines étaient propices, d’autres mauvaises, d’autres encore mitigées : si le coup d’Aphrodite, avec les 4 faces différentes, était jugé le meilleur, celui du chien, avec ses 4 faces identiques, passait pour le plus néfaste.
Il y a bien longtemps qu’on ne manie plus les osselets pour sonder le destin. La manière d’y jouer la plus courante a été codifiée au XIXe siècle. Elle se pratique d’ordinaire avec 5 osselets. Le premier joueur, choisi par tirage au sort, les lance en l’air et s’efforce d’en réceptionner le plus possible sur le dos de la main droite. Il transfère dans la main gauche les osselets qu’il a rattrapés sauf un, qu’il jette en l’air et récupère, soit sur le dos de la main droite, soit dans la main droite. Il ramasse de la main gauche, un par un, ceux qui se sont éparpillés au premier coup. Quand il les tient tous, il les dépose sur la surface de jeu avant de les collecter en une fois, pendant que la main droite lance et reçoit son osselet. Puis, il les laisse retomber, le temps d’un autre mouvement de la main droite. Le joueur doit alors les retourner l’un après l’autre, de manière à leur faire présenter le dos, tout en lançant et rattrapant un osselet avec la main droite. L’opération continue en exposant les plats puis les creux de tous les osselets. Différentes figures peuvent se succéder au fil des tours : le puits, la passe, les fricassées. Lorsqu’un joueur manque l’un des tours, il cède la place au suivant ; quand c’est de nouveau son tour, il reprend le jeu là où il l’avait laissé. Réaliser un parcours complet s’avérait très difficile ; aussi plusieurs variantes simplifiées du jeu d’osselets ont-elles vu le jour.