Jeux, gestes et savoirs - Jouer, pour une puissance d’émancipation dans un monde de calcul

Jeux, gestes et savoirs - Jouer, pour une puissance d’émancipation dans un monde de calcul

Les entretiens du nouveau monde industriel (ENMI)- édition 2023 / 18 et 19 décembre 2023

Peut-on jouer avec une machine ? et qu’est-ce qu’une machine ? Ce sont des questions anciennes qu’il s’agit de reposer à l’aune de la disruption Chat GPT. Tel est le défi de ces ENMI, qui se dérouleront au Centre Pompidou les 18 et 19 décembre prochains, tant l’usage grand public des modèles statistiques de langage introduit une disruption massive dans nos pratiques noétiques et le développement de nos savoirs et réinterroge la question fondatrice du « jeu de l’imitation » introduite par Alan Turing.

En effet, l’hypothèse ici explorée place le jeu comme nouvel espace de capacitation articulant le calculable et l’incalculable, c’est-à-dire ce que les designers de jeux désignent par le game et le play, règles et expérience. Ainsi dans un contexte de production des savoirs mise à mal par des modèles statistiques, les règles ne sont pas explicitées.

Cela compromet ainsi toute forme de play, d’élaboration, d’interprétation. Le jeu avec Chat GPT est-il encore possible, tant il semble n’y avoir aucun « jeu » dans ce qui nous soumet au règne de la synthèse artificielle en inhibant toute forme d’analyse ? Est-ce encore un jeu, ou une ultime gamification, quand nous semblons condamnés à ne pouvoir gagner, sans jamais pouvoir perdre ?

Cette 17ème édition des Entretiens du Nouveau Monde Industriel entend apporter un éclairage théorique, historique et épistémologique sur le pouvoir du jeu à nous capaciter, dans l’interaction avec le calcul. Nous aborderons pour cela le passage d’une théorie des jeux historiquement située dans le champ mathématique à la question du jeu dans le champ biologique.

Juliette Vion-Dury, professeure de littérature comparée de l’université Sorbonne Paris Nord (laboratoire IRIS, Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux), et Membre du Groupement d’Intérêt Scientifique « Jeu et Sociétés » (Campus Condorcet), interviendra lors de la 4e session du mardi 19 décembre (10h-12h30) aux côtés de Franck Cormerais (philosophe, sciences de l’information et de la communication), d’Armen Khatchatourov (ingénieur, philosophe), d’Emmanuelle Savignac (anthropologue des industries culturelles et pédagogiques) mais aussi de Théo Sentis et de Vincent Loubière (Comité ECO).

Programme des deux journées

Session 1 : Gestes et psychologie du jeu chez l’enfant

Animée par Marie-Claude Bossière (pédopsychiatre)

En considérant avec Donald Winnicott que les tout premiers gestes de l’enfant sont déjà un jeu avec la réalité, avec le monde, avec l’espace potentiel, comment pouvons-nous renouveler notre interprétation de ce qui se joue aujourd’hui avec ce que l’on ne nomme précisément plus des jouets, ni même des jeux lorsqu’il s’agit de véritables disrupteurs attentionnels, des nudges, ou des dispositifs de gamification exploitant notre système dopaminergique ? Comment repartir des gestes premiers de l’enfant pour reconsidérer la place du geste dans le numérique, c’est-à-dire du mouvement dans un contexte où espace et temps se distinguent et soutiennent un désir de se projeter grâce à de nouvelles formes de réflexivité ou à travers de nouvelles interfaces gestuelles et sensorielles.

Lundi 18 décembre – 10h00-12h00

  • 10h00-10h30 : Marie-Claude Bossière (pédopsychiatre)
  • 10h30-11h00 : Nadège Haberbusch (formatrice association « Les enfants du jeu »)
  • 11h00-11h30 : Morgane Balland (psychomotricienne)
  • 11h30-12h00 : Discussion

Session 2 : De la théorie des jeux au jeu du vivant

Animée par Giuseppe Longo et Maël Montévil

La théorie des jeux de Von Neumann propose une vision cybernétique et panoptique des différentes typologies de jeux dans le contexte géopolitique de la guerre froide. Cette approche mathématique qui a montré son efficacité aux débuts de l’informatique nous projette dans un contexte pourtant très différent de notre situation contemporaine dominé par l’approche statistique du monde. Comment à la fois « se jouer » de cette tendance statistique et dépasser le cadre réducteur de la théorie des jeux ? N’est-ce pas ce que fait le vivant lui-même ? Cette session ouvrira à la question du « jeu » du vivant et comment il peut inspirer de nouveau modèle de jeu.

Lundi 18 décembre – 13h30-16h00

  • 13h30-14h00 : Giuseppe Longo (mathématiques et biologie)
  • 14h00-14h30 : Maël Montévil (théoricien de la biologie)
  • 14h30-15h00 : Anna Longo (philosophe des techniques)
  • 15h00-15h30 : Mathilde Tahar (philosophe de la biologie)
  • 15h30-16h00 : Discussion

Session 3 : Le jeu du geste digital

Animée par Vincent Puig

Aller au-delà du calculable, (dé)jouer l’empire du calcul, n’est-ce pas, dans le jeu, pouvoir aller au-delà de la question de l’espace pour penser un lieu, ou plus précisément un « avoir-lieu » ? Ré-introduire ainsi le mouvement, le geste et in fine la question du temps ? La courte histoire du jeu vidéo nous enseigne à quel point cette importance du geste dans le play ne se réduit pas à la conception d’une interface gestuelle. Le « joypad » a aussi sa pharmacologie. Cette session propose de croiser différentes perspectives théoriques et pratiques sur le rôle du geste et des représentations/interfaces temporelles pour favoriser l’exploration et l’interprétation d’un milieu numérique par nature soumis à l’entropie du calcul.

Lundi 18 décembre – 16h30-19h00

  • 16h30-17h00 : Nicolas Nova (socio-anthropologue des cultures numériques)
  • 17h00-17h30 : Frédéric Bevilacqua (chercheur IRCAM, Interaction Son Musique Mouvement)
  • 17h30-18h00 : Brice Roy (philosophe, game designer, directeur ICAN)
  • 18h00-18h30 : Vincent Puig (IRI)
  • 18h30-19h00 : Discussion

Session 4 : Jeux, monnaie, données : les nouveaux milieux du jeu

Animée par Franck Cormerais

Les dimensions du jeux (la compétition, la chance, l’imitation et le vertige) seront ici principalement approchées à partir de la relation à la monnaie. Au cœur des échanges, la monnaie est un nœud de rencontre entre les techniques d’écriture et l’activité symbolique qui impacte les formes variées de la vie sociale. La monnaie initie aux mécanismes de gain et de perte, elle devient ainsi balance entre le plus et le moins, le positif et le négatif d’un compte qui définit la valeur de différentes activités. Le panel proposé permettra de reconsidérer l’importance de la monnaie dans le jeu à l’œuvre dans le champ économique et dans les territoires.   

Mardi 19 décembre – 10h00-12h30

  • 10h00-10h30 : Franck Cormerais (philosophe, sciences de l’information et de la communication) et Armen Khatchatourov (ingénieur, philosophe)
  • 10h30-11h00 : Juliette Vion-Dury (professeure de littérature générale et comparée)
  • 11h00-11h30 : Emmanuelle Savignac (anthropologue des industries culturelles et pédagogiques)
  • 11h30-12h00 : Théo Sentis et Vincent Loubière (Comité ECO)
  • 12h00-12h30 : Discussion

Session 5 : Jeu et savoir. Design et développement des jeux numériques face aux IA. Enjeux éducatifs, industriels et de design.

Animée par Vincent Puig (IRI)

Cette dernière session se propose d’illustrer les enjeux industriels et de design relativement au développement des jeux numériques et en premier lieu dans le champ éducatif. Comment apprendre en jouant est une question récurrente en pédagogie. Mais quel espace de jeu reste-t-il dans la confrontation addictive à ChatGPT ? Comment maintenir une tension féconde entre le game et le play pour ouvrir à l’espace du savoir, c’est-à-dire à l’espace du désir ? 

Mardi 19 décembre – 14h00-17h00

  • 14h00-14h30 : Mathieu Triclot (philosophe des techniques, des jeux vidéo)
  • 14h30-15h00 : Véronique Ventos (co-fondatrice et directrice technique de NukkAI)
  • 15h00-15h30 : Riwad Salim (designer, IRI)
  • 15h30-16h00 : Jehanne Rousseau (co-fondatrice et scénariste du studio Spiders)
  • 16h00-16h30 : Discussion

Table ronde : « Modifier, jouer : le modding dans le jeu vidéo »

Organisée en collaboration avec l’association des amis de la génération Thunberg.

Le « modding », pratique héritée de l’informatique, consiste à modifier les éléments d’un jeu vidéo. Elle est rendue possible par le caractère manipulable du numérique. La première communauté significative de « modders » apparaît avec Doom, sorti en 1993.  Aujourd’hui, des jeux vidéo tels que League of Legends ou Counter-Strike trouvent naissance dans des mods créés à partir d’autres jeux vidéo, montrant la fine frontière entre joueurs et concepteurs. Avec le succès depuis les années 2010 de jeux vidéo comme Minecraft, Fortnite ou Roblox, le modding doit être repensé à nouveaux frais. Ces jeux apparaissent comme des kits permettant la création de micro-expériences vidéoludiques, où les joueurs bâtissent des mondes dit « virtuels » qu’ils « habitent » collectivement. L’industrie du jeu vidéo s’empare de ces questions et tend à faire évoluer ses modèles.  Face à des enjeux économiques colossaux et aux risques d’instrumentalisation des joueurs (et notamment des plus jeunes), ces pratiques créatives de détournement appellent à la réflexion et à la discussion.

Mardi 19 décembre – 17h00-18h30

  • Fanny Barnabé (Chercheuse à l’Université de Namur et co-fondatrice du Liège Game Lab)
  • Agnès Brunetière (Game designer free-lance)
  • Tallulah Frappier (Doctorante en Design et Science politique, Paris 1)
  • Thomas François et Mérédith Nolot (Concepteurs et animateurs de projets vidéo-ludiques)
  • Guillaume Guinard (Spécialiste des politiques du numérique et philosophe)

Inscription et modalités pratiques :

https://enmi-conf.org/wp/enmi23/

ENMI 2023

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