« Puisse le sort vous être favorable ». Telle est la devise des films Hunger Games qui placent ainsi dès le début l’intrigue sous le sceau du jeu et du destin. Adaptée de la trilogie de Susan Collins et réalisée en 2012, cette dystopie met en scène dans le pays de Panem, anciennement États-Unis d’Amérique, une arène gigantesque dans laquelle 24 participants s’affrontent à mort jusqu’à ce que le dernier d’entre eux soit déclaré vainqueur.
Cette œuvre établit un parallèle entre différentes époques et leurs manières respectives d’aborder, de s’approprier, voire d’utiliser le jeu.
Le parallèle le plus évident se fait avec les arènes romaines : un lien est créé à la fois dans l’organisation des jeux, mais également à un niveau politique. Dans le concept même des jeux de la faim, le téléspectateur retrouve, comme c’était le cas dans les arènes de la Rome antique, des adversaires qui s’affrontent dans un but a priori divertissant, et où la mise est la vie des joueurs. L’aspect politique des jeux est un élément central de Hunger Games, plus précisément l’utilisation du jeu à des fins politiques. L’organisation de ces bains de sang a pour visée d’asseoir l’autorité du pouvoir en place et de contenter le peuple avec un spectacle, afin d’éviter une rébellion. La manipulation que sont en réalité ces Hunger Games renvoie au regard que pose Juvénal sur les jeux romains lorsqu’il établit le concept de « panem et circenses ». Ce poète et écrivain exprime dans cette locution, souvent traduite par « du pain et des jeux », un mépris du peuple romain qu’il considère faible et manipulable quant au pouvoir en place. En effet en cette fin de premier siècle, l’empereur Domitien est connu pour sa tendance au despotisme, et Juvénal estime que les Romains ferment les yeux sur ses abus puisqu’ils ont pour seuls intérêts d’être rassasiés et divertis. Il est vrai que ces jeux, à l’origine religieux, revêtent rapidement dans l’empire une autre fonction, celle de flatter l’ego de l’empereur en place, de faire, son plébiscite. Ils représentent par ailleurs pour ce dernier un moyen de mesurer sa popularité, ces jeux pouvaient être organisés après une victoire par exemple, et étaient généralement l’occasion d’un grand banquet, devenant ainsi un acte démagogique de la part du souverain.
Mais pour quelles raisons cette trilogie a-t-elle été un tel succès à travers le monde ? C’est peut-être précisément parce que le récit est pris entre différentes époques et différents phénomènes de société, posant ainsi des questions sur l’Histoire au sens large et sur la Nature humaine. Que se passerait-il si des arènes étaient réinstaurées, mais cette fois-ci avec des technologies particulièrement avancées ? Que se passe-t-il quand on ne joue plus avec des pions, mais avec des êtres humains ? Pour sombrer dans l’horreur et ce qui apparaît comme dystopique il suffirait donc de prendre des choses qui existent ou ont existé, et de les pousser à leur paroxysme, comme en l’occurrence la télé-réalité, la technologie, la soif de sang… Ces films lient ainsi le budget et les techniques d’un blockbuster à de réels questionnements sur les limites de notre libre arbitre. Son impact a été tel qu’il est devenu, par exemple, un symbole des opposants politiques au régime en Thaïlande, où ces derniers arborent le signe des trois doigts levés comme acte d’opposition, signe de la rébellion dans Hunger Games.
Clémence Caillat
Etudiante en Licence de Lettres et civilisation anglo-saxonnes de l'université de Limoges — Stagiaire de l'Université Paris 13