Doctorante en psychologie sociale et enseignante, Aurélie Mouneyrac a également fait partie des lauréats de l'appel à projet 2015-2016 du GIS Jeu et Sociétés. A la veille de sa soutenance de thèse, elle a répondu à nos questions.

« Aurélie Mouneyrac, vous êtes doctorante en psychologie sociale et allez soutenir votre thèse le 24 mai prochain. Pouvez-vous présenter vos activités de recherche ?

Dans ce champ de la Psychologie, nous nous intéressons à la façon dont les croyances et les comportements d’un individu évoluent en fonction de l’environnement dans lequel ils sont placés. Ainsi, dans ma thèse, j’ai questionné le bien-fondé des messages de prévention indiquant de “consommer responsable”. Le joueur de jeux de hasard et d’argent étant enclin à croire qu’il peut maîtriser le jeu, ces messages pouvaient s’avérer paradoxalement contre-productifs. J’ai alors montré que, au lieu de prévenir du jeu excessif, ces messages agissent comme des messages de promotion du jeu. Mon expertise consiste dans l’optimisation des campagnes de prévention en vue d’augmenter leur efficacité. Pour cela, je m’appuie sur une connaissance approfondie du contexte dans lequel la campagne doit s’appliquer et du public auquel elle s’adresse.

En 2016, vous faisiez partie d’une équipe de chercheurs lauréate de l’appel à projets du GIS Jeu et Sociétés. Ce projet, porté avec Valérie Le Floch et Céline Lemercier, visait à financer pour part une étude sur les messages de “jeu responsable” des opérateurs. Quelle est l’origine de votre étude et comment avez-vous procédé ?

L’industrie de l’alcool (Heineken par exemple) utilise des messages comme “Drink Responsibly”. Dans ce cadre, les chercheurs anglais du domaine ont montré que ces messages peuvent être compris comme des incitations à consommer de l’alcool (p. ex. Jones, Hall, & Kypri, 2017). Cependant, dans ces études, les auteurs ont seulement demandé à leurs participants ce qu’ils pensaient de ces messages (mesures auto-rapportées) et n’ont pas de mesure du comportement que les individus adoptent en présence de ces messages. Il est en effet peu éthique de faire consommer de l’alcool à des individus en présence d’un message que l’on suppose être responsable d’une plus forte consommation d’alcool.

Dans le cas des jeux, la mise en situation des joueurs de jeux de hasard et d’argent est plus acceptable pour les comités d’éthique. Nous avons donc souhaité, dans le cadre de notre projet d’évaluation des messages promouvant le Jeu Responsable, évaluer leurs effets en situation de jeu réelle. Le GIS [Jeu et Sociétés] a permis de financer les lots de l’expérience.

Quels résultats avez-vous obtenus ?

Les messages promouvant le Jeu Responsable induisent une plus forte prise de risque que des messages clairs de prévention (qui informent sur les risques liés au jeu). En fait, ils agissent bien comme des messages de promotion du jeu. Ces résultats auront nécessairement un impact sur les politiques de régulation des jeux de hasard et d’argent car on peut difficilement se permettre, selon moi, de continuer à utiliser ces messages. Ces recherches peuvent aussi renseigner les chercheurs d’autres domaines à risques (p. ex. alcool, conduite automobile, usage de cannabis).

Vous êtes également enseignante en licence et en master ; de quelle façon vos recherches dynamisent-elles vos cours ?

J’enseigne en effet la Psychologie auprès d’étudiant.es se destinant à l’enseignement en primaire et secondaire (ESPE de Toulouse Midi-Pyrénées). Dans cet enseignement, je sensibilise les étudiant.es aux questions relatives à la détection et la prévention des conduites à risques des adolescent.es. Par exemple, je les pousse à s’interroger sur l’influence des pairs, ou de l’anticipation du regret, dans l’adoption de comportements à risque. L’adolescence est une période fascinante du développement, si l’on comprend comment l’adolescent perçoit le risque, alors on a déjà fait un très grand pas. Du point de vue de la prévention, c’est très enrichissant. »

Pour en savoir plus

Publications

> Articles publiés dans des revues à comité de lecture :

MOUNEYRAC, A., LEMERCIER, C., LE FLOCH, V., CHALLET-BOUJU, G., MOREAU, A., JACQUES, C. & GIROUX, I. (2018). Cognitive characteristics of strategic and non-strategic gamblers, Journal of Gambling Studies, 34(1), 199–208.https://doi.org/10.1007/s10899-017-9710-6. Hal-01570890 (a snapshot made by the Gambling Research Exchange Ontario is available here)

MOUNEYRAC, A., LE FLOCH, V., LEMERCIER, C., PY, J. & ROUMEGUE, M. (2017). Promoting responsible gambling via prevention messages: insights from the evaluation of actual European messages, International Gambling Studies, 17(3), 426-441. http://dx.doi.org/10.1080/14459795.2017.1350198. Hal-01570705

> Article en préparation :

MOUNEYRAC, A., LE FLOCH, V. & LEMERCIER, C. (en préparation). Perverse effects of prevention messages promoting responsible gambling.

Communications orales (liste sélective)

MOUNEYRAC, A., LEMERCIER, C. & LE FLOCH, V. (2018, novembre). Jouer responsable : Une injonction paradoxale dans les messages de prévention. Journée de médiation et Prix scientifique « Science, drogues & Addictions » organisée par la MILDECA et l’OFDT, Ministère de la santé et des solidarités, Paris. Vidéo

MOUNEYRAC, A., LEMERCIER, C., LE FLOCH, V. & PAUBEL, P-V. (2018, juin). Qu’est-ce que cela signifie de « Jouer Responsable » ? Apparemment, de jouer plus. 4e Symposium International Multidisciplinaire : Jeu excessif : science, indépendance, transparence, Fribourg.

MOUNEYRAC, A. (2017, mai). Le paradoxe du jeu responsable : Message de prévention ou message de promotion du jeu ? Journée d’Etude sur le Jeu Pathologique, Toulouse.

MOUNEYRAC, A., LE FLOCH, V., LEMERCIER, C., PY, J. & ROUMEGUE, M. (2015, avril). Evaluation des messages de prévention des conduites de renouvellement de jeux de hasard et d’argent. International Congress on Addictive Disorders, Nantes.

Activités d’enseignement


Psychologie Sociale (L3 et L2)

Méthodologie expérimentale, statistiques et mesurage (L2)

Processus d’apprentissage et diversité des élèves (M1)

Encadrement de mémoires d’étudiant.es de M1 et M2